Le scandale qui secoue la politique argentine depuis une semaine, celui des violences présumées de l’ex-président Alberto Fernandez (2019-2023) sur son ex-conjointe, a franchi un cap mercredi, avec la réquisition d’inculper l’ex-chef de l’Etat pour coups et blessures avec circonstances aggravantes.
Le réquisitoire du parquet fédéral fait suite à une plainte déposée la semaine dernière par Fabiola Yañez, 43 ans, contre M. Fernandez, 65 ans, avec lequel elle a vécu une dizaine d’années. Depuis la plainte, M. Fernandez fait déjà l’objet d’une interdiction de sortie d’Argentine et d’entrer en contact avec la plaignante.
Dans son ordonnance, à laquelle l’AFP a eu accès, le procureur Ramiro Gonzalez considère que les faits “pourraient tomber sous le coup des délits de blessures légères et graves, doublement aggravées, et de menaces coercitives”.
Dans son ordonnance, il demande notamment l’audition de membres du personnel de la présidence – entre autres le médecin, l’intendant, la secrétaire particulière de M. Fernandez -, les registres d’entrées et sorties, des vidéos et le dossier médical de Fabiola Yañez.
La réquisition d’inculpation requiert techniquement la signature du juge en charge de l’affaire, mais “il est très peu probable”, et rare, que le juge ne la ratifie pas, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
“Relation de pouvoir asymétrique”
Dans son argumentaire, le parquet relève “un contexte de violence de genre reposant sur une relation de pouvoir asymétrique et inégale qui s’est développée au fil du temps” et qui a été “accentuée exponentiellement par l’élection de Fernandez” à la présidence en 2019.
L’hypothèse du parquet est que, dans ce contexte, Alberto Fernandez a eu “des comportements pénalement répréhensibles”.
Mardi, l’ex-Première dame avait été entendue dans le cadre de sa plainte, par un magistrat de Buenos Aires via visioconférence depuis le consulat argentin à Madrid, où elle réside désormais avec le fils qu’elle a eu en 2022 avec M. Fernandez.
Dans une déposition écrite préalable à cette audition, elle affirmait que “les abus, le harcèlement, le mépris, les agressions, les coups” s’étaient “avérés être une constante”. Elle évoquait des “gifles quasi quotidiennes dans un contexte de violence verbale”. Et “la coercition” exercée par son ex-conjoint, qui l’avait conduite en 2016 à “la terrible décision d’avorter”.
M. Fernandez, depuis les accusations, a nié toute violence, promettant de fournir des “preuves”. “Je n’ai jamais frappé Fabiola Yañez. Je n’ai jamais frappé une femme”, a-t-il réaffirmé dans le quotidien espagnol El Pais de mardi, suggérant avoir été lui aussi victime de violence verbale dans le couple. Il s’est dit résolu à “laisser la justice statuer”.
La révélation des violences présumées – et quelques photos qui ont filtré d’hématomes présumés de Fabiola Yañez – a scandalisé en Argentine, engendrant une pluie de condamnations de tous bords politiques.
Autres révélations à venir ?
Pas le moins virulent, le président ultralibéral Javier Milei a fustigé, avec une délectation patente, “l’hypocrisie progressiste” des péronistes (centre gauche), au pouvoir 16 des 20 dernières années, et qui se revendiquent champions de la cause des femmes – sur laquelle l’Argentine est en pointe en Amérique latine.
“Fernandez, champion du féminisme, qui frappe sa femme…”, a ironisé Javier Milei mardi sur son compte X.
Les révélations ont aussi fait peser une ombre sur le camp péroniste – qui a promptement pris ses distances avec M. Fernandez depuis les accusations. Mais à propos duquel une partie de la presse se demande à présent: qui, combien savaient et n’ont rien dit?
Dans ce cadre prend un relief particulier l’audition à venir – et les éventuelles révélations – de Maria Cantero, secrétaire particulière de longue date de M. Fernandez. C’est sur son téléphone, saisi dans le cadre d’une enquête distincte – pour malversations sur des contrats d’assurance – qu’avaient été découvertes les photos et des messages échangés avec l’ex-Première dame.
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