Des travailleurs et bénévoles humanitaires patrouillent le littoral la nuit pour aider les migrants en détresse en leur fournissant repas, couvertures et informations, tout en faisant face à un désarroi croissant face aux tragédies récurrentes.
Thomas Chambon, coordinateur d’Utopia 56, critique les méthodes des forces de sécurité après avoir découvert un canot en feu sur la plage du Portel, signe d’un départ empêché.
À 06H00, épuisé après quatre heures de patrouille le long du littoral pour secourir des migrants en détresse, il constate une “mise en danger claire et nette”.
Une quinzaine de palets de grenades lacrymogènes entourent l’embarcation, dont six à l’intérieur. Plus tôt, deux policiers ont éloigné les bidons d’essence pleins et le moteur des flammes.
Un Syrien, qui devait monter à bord, a rapporté que “des familles avec enfants” étaient près du canot lorsqu’il a pris feu.
Nikolaï Posner, ex-salarié devenu bénévole pour Utopia 56, se dirige rapidement vers des CRS à proximité.
Un CRS affirme avec fermeté : “Nous avons sauvé des vies ce soir, monsieur.”
Un humanitaire constate que le nombre de décès augmente, avec 46 personnes mortes en tentant la traversée depuis le 1er janvier, constituant le pire bilan depuis le début des “small boats” en 2018. Cette impuissance est pesante.
Burn-out et dépression
Depuis 25 ans, sur le littoral français, militants et habitants assistent des familles d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie, cherchant à rejoindre l’Angleterre après un périple ardu.
Les conditions de survie dans des campements boueux sont précaires et les traversées deviennent de plus en plus dangereuses.
Après plusieurs naufrages, des militants admettent que l’été a été moralement “difficile” voire “très difficile”.
Thomas Chambon, 42 ans, évite la plage par crainte de voir un naufrage ou une intervention policière, et redoute qu’on lui demande comment il va, car il ne veut pas revivre ses journées.
Nikolaï Posner a démissionné d’Utopia 56 il y a deux mois pour “prendre du recul” en raison du “cycle permanent de violence, de souffrance, de détresse” qui a occupé sa vie durant quatre ans.
À chaque naufrage, Feyrouz Lajili, coordinatrice pour MSF à Calais, ressent une vive inquiétude, se demandant si les victimes incluent des personnes qu’ils ont suivies ou connues, ou des mineurs.
Ces événements peuvent causer divers troubles, selon Diana Galindo de MSF : “burn-out”, “dépression”, “anxiété”, “fatigue compassionnelle”, et “traumatisme vicariant”, un syndrome post-traumatique engendré par l’écoute de récits traumatiques.
Pour faire face aux risques psychosociaux, certaines associations, comme MSF, offrent un suivi psychologique, tandis que d’autres imposent des vacances loin du littoral.
“They will help me here.”
Dans une tribune publiée par Le Monde en septembre, plusieurs organisations critiquent la politique migratoire de la France et du Royaume-Uni, la qualifiant de “mortifère”, et exhortent l’État à mieux soutenir les victimes.
L’État n’a pas à rougir des efforts déployés pour accompagner les migrants, selon Agathe Cury, sous-préfète de Calais.
L’association Audasse héberge des exilés, tandis que La Vie active propose douches et repas.
Les exilés soulignent l’importance essentielle des associations.
Ali Mohamed, un Irakien, espère recevoir de l’aide, un logement, de la nourriture et des vêtements en attendant d’être dirigé vers un centre d’hébergement.
Adamali, un Soudanais de 42 ans portant des lunettes élégantes, charge son téléphone grâce à un bloc de prises fourni par le Channel Info Project (Chip).
Ils jouent à des jeux de société. Un enfant aux longs cheveux châtains est joyeux après avoir battu son père au Puissance 4.
Adamali affirme: “Sans les ONG, je ne sais pas comment les gens feraient ici. Ils nous aident à rester en vie”.
Mathilde Bequaert, coordinatrice de projet chez Chip, souligne qu’ils ne sont pas indispensables pour leurs partenaires, qui ont réussi à arriver là sans eux.
Sept Syriens dansent en arc-de-cercle, se tenant par la main et tapant du pied en rythme.
La plupart tenteront la traversée, car ils ne voient que la distance séparant la France de l’Angleterre et considèrent cela comme un rêve. Il est difficile de les en empêcher, selon Julie Piedbois de l’Audasse.
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