L’Inde et le Canada ont expulsé lundi leurs ambassadeurs respectifs et cinq autres diplomates de haut rang en réaction à l’enquête sur le meurtre d’un leader séparatiste sikh en 2023 sur le territoire canadien. Ottawa accuse New Delhi d’avoir fomenté cet assassinat. Depuis, les relations entre les deux pays n’ont cessé de se détériorer.
Le torchon brûle entre l’Inde et le Canada. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a estimé lundi 14 octobre que l’Inde avait fait “une erreur monumentale” en décidant d'”attaquer les Canadiens” alors que New Dehli et Ottawa ont chacun expulsé leur ambassadeur et d’autres diplomates de haut rang.
Cette déclaration survient après l’annonce par la police fédérale canadienne de “l’implication d’agents du gouvernement de l’Inde dans des activités criminelles graves au Canada”, notamment l’assassinat d’un dirigeant séparatiste sikh.
“Je crois que l’Inde a fait une erreur monumentale en choisissant d’utiliser leurs diplomates et le crime organisé pour attaquer les Canadiens”, a dénoncé le Premier ministre canadien d’un ton solennel, qualifiant ces “actes de violence” et d'”homicides” d'”inacceptables”. “Nous ne tolérerons jamais qu’un gouvernement étranger menace et tue des citoyens canadiens sur le sol canadien, ce qui constitue une violation profondément inacceptable de la souveraineté du Canada et du droit international”, a-t-il ajouté, soulignant le refus répété de New Dehli de coopérer.
“Allégations crédibles”
La mort du citoyen canadien Hardeep Singh Nijjar, qui militait pour la création d’un État sikh indépendant dans le nord de l’Inde appelé le Khalistan, a envenimé les relations entre les deux pays, le Premier ministre canadien Justin Trudeau ayant déclaré qu’il y avait “des allégations crédibles” reliant les services secrets indiens à ce crime.
En réponse, le Canada a expulsé six diplomates indiens lundi, dont l’ambassadeur à Ottawa, soupçonnés d’être impliqués dans l’affaire Nijjar. L’Inde a rapidement réagi en “décidant d’expulser” le haut-commissaire par intérim d’Ottawa, son adjoint et quatre autres diplomates, leur ordonnant de quitter le pays avant minuit dimanche 20 octobre. Une escalade majeure dans la crise diplomatique qui oppose les deux pays depuis plusieurs mois.
“Nous n’avons pas confiance dans l’engagement du gouvernement canadien actuel à assurer leur sécurité”, a de son côté fait valoir le ministère indien des Affaires étrangères, suggérant que les diplomates avaient été rappelés et non expulsés. Il a aussi qualifié d'”absurdes” les accusations selon lesquelles l’Inde est impliquée dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, y voyant une “stratégie de diffamation de l’Inde à des fins politiques”.
“Éléments de preuve”
En parallèle, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé lundi détenir des “éléments de preuve” sur des cas d'”intimidation, harcèlement, extorsion et coercition” sur le territoire canadien. Le commissaire de la GRC Mike Duheme a notamment lié des agents du gouvernement à “des homicides et actes de violence”, à des “activités clandestines telles que la collecte de renseignements” et de “l’ingérence dans les processus démocratiques”. La police fédérale souligne qu’elle a tenté d’approcher les autorités indiennes avec ces preuves, sans succès.
Depuis l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar en juin 2023, New Delhi et Ottawa se sont livrés à une surenchère dans les représailles diplomatiques. L’année dernière, l’Inde a ainsi provisoirement restreint les visas pour les Canadiens et obligé le Canada à rapatrier certains de ses diplomates.
“L’Inde se réserve maintenant le droit de prendre d’autres mesures en réponse à ces derniers efforts du gouvernement canadien en vue de concocter des allégations contre les diplomates indiens”, a mis en garde lundi son ministère des Affaires étrangères.
Hardeep Singh Nijjar, qui avait immigré au Canada en 1997 et en était citoyen depuis 2015, plaidait en faveur d’un État sikh indépendant de l’Inde, le Khalistan. Recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de “terrorisme” et de complot en vue de commettre un meurtre – des accusations qu’il a rejetées – Hardeep Singh Nijjar a été abattu le 18 juin 2023 devant le temple sikh qu’il dirigeait dans la banlieue de Vancouver.
En novembre 2023, le ministère américain de la Justice a de son côté accusé un citoyen indien, vivant en République tchèque, d’avoir planifié une tentative d’assassinat similaire aux États-Unis. Les procureurs ont affirmé qu’un responsable du gouvernement indien était aussi impliqué dans cette affaire.
Quelque 770 000 Sikhs vivent au Canada, constituant 2 % de la population, avec une minorité active réclamant la création d’un État indépendant du Khalistan.
Avec AFP
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