Alors que plus de 240 millions d’Américains sont appelés aux urnes le 5 novembre, seule une minorité d’entre eux départagera la vice-présidente Kamala Harris et l’ex-président Donald Trump pour accéder à la Maison Blanche. Le sort de l’élection présidentielle devrait se jouer en effet dans sept États indécis, où chaque voix compte pour faire pencher la balance.
C’est un enjeu crucial : quelques milliers de voix dans des États-clés (“Swing states” en anglais) vont trancher, le 5 novembre, entre la démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump pour la conquête de la Maison Blanche. Alors que de nombreux États sont fermement “rouges” (républicains) ou “bleus” (démocrates), d’autres oscillent d’un camp à l’autre à chaque élection.
Suffrage indirect et “winner take all”
Les citoyens américains élisent leur président au suffrage universel indirect. Un vote est organisé dans chaque État, non pas pour choisir un ou une présidente, mais pour élire 538 délégués, qui constituent le collège électoral. Le nombre de grands électeurs correspond à la composition du Congrès américain : deux sénateurs par État et un nombre de représentants proportionnel à la population de chaque État.
Pour être élu président, un candidat doit obtenir au moins 270 voix des grands électeurs. Toutefois, dans 48 des 50 États s’applique la règle du “winner takes all” (“le vainqueur rafle tout”) : c’est la liste qui arrive en tête dans chaque État qui remporte toutes les voix des grands électeurs.
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Des voix s’élèvent d’ailleurs contre ce système électoral, qui ne serait pas suffisamment représentatif, puisqu’un candidat qui obtient seulement 51 % des suffrages exprimés dans un État remporte la totalité des voix en jeu. Ce mécanisme peut engendrer d’importantes distorsions : les démocrates Al Gore, en 2000, et Hillary Clinton, en 2016, ont obtenu plus de voix au niveau national, mais n’ont pas remporté la Maison Blanche.
Certains critiquent également la surreprésentation des petits États, puisque chacun d’eux, quelle que soit sa population, compte deux sénateurs. Ainsi, le Wyoming, l’État américain le moins peuplé avec quelque 580 000 habitants, a le même nombre de sénateurs que la Californie, qui compte près de 39 millions d’habitants.
Lors de la dernière présidentielle, dans sept États, la marge de victoire était inférieure à 3 %, laissant présager un nouveau scrutin extrêmement disputé le mois prochain. Il s’agit de l’Arizona, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces sept États représentent 93 grands électeurs, sachant qu’un candidat à la présidence a besoin de 270 voix pour accéder à la Maison Blanche.
Arizona
Pour la première fois depuis 1996, l’Arizona a basculé démocrate en 2020, lorsque Joe Biden est arrivé avec une avance de seulement 11 000 voix devant Donald Trump. Dans cet État, la question du droit à l’avortement joue un rôle crucial : les électeurs se prononceront également le 5 novembre sur un amendement à la Constitution pour garantir ce droit fondamental. En avril, la Cour suprême de l’Arizona avait décidé de maintenir une loi de 1864 interdisant tous les avortements, sauf pour sauver la vie d’une femme. Cette loi, vieille de 160 ans, a finalement été abrogée par le corps législatif de l’État.
L’immigration est également un enjeu majeur pour l’Arizona, qui partage une frontière de 600 kilomètres avec le Mexique. S’ils ont diminué ces derniers mois, les passages à la frontière ont atteint des niveaux records sous la présidence de Joe Biden, faisant de cette question l’une des principales préoccupations des électeurs. Accusé par les républicains d’être responsable d’une “invasion” à la frontière, le président sortant a durci sa politique d’immigration.
Cette question de l’immigration clandestine divise de plus en plus la communauté latino, qui constitue un quart des électeurs en Arizona. Alors que les démocrates ont longtemps bénéficié d’un soutien majoritaire au sein de cette communauté, les républicains ont gagné du terrain en exploitant les inquiétudes liées aux passages à la frontière.
Caroline du Nord
Depuis 1976, la Caroline du Nord a été remportée par le candidat républicain à chaque présidentielle, sauf en 2008, où Barack Obama l’a emporté avec une avance de moins de 1 %.
En 2020, Donald Trump est arrivé en tête avec 1,3 % d’avance. Un sondage récent indique que le scrutin de 2024 pourrait se solder par une égalité statistique, plaçant la Caroline du Nord parmi les États “violets” (mélange du bleu démocrate et du rouge républicain).
La situation se complique encore plus si l’on considère que l’État compte un nombre important d’électeurs non affiliés, représentant 36 % de l’électorat, dépassant ainsi ceux inscrits les blocs des partis politiques traditionnels (environ 33 % pour le parti démocrate et 30 % pour le parti républicain).
Mais les démocrates n’entendent pas abandonner l’État sans se battre : Kamala Harris s’est rendue une dizaine de fois en Caroline du Nord cette année. Le parti espère que la forte mobilisation de la population noire, qui représente environ 20 % des électeurs de l’État, pourrait aider à le faire pencher du côté démocrate, comme en 2008.
De son côté, Donald Trump a visité la Caroline du Nord cinq fois en 2024, participant à des rassemblements à Charlotte, Asheville et Asheboro pendant l’été.
Géorgie
En 2020, Joe Biden a remporté de justesse la Géorgie, devenant le premier démocrate à gagner cet État depuis Bill Clinton en 1992. Sa victoire s’est jouée avec seulement 0,2 % d’avance, sa plus petite marge dans un État.
Cette défaite a été difficile à accepter pour Donald Trump, et la Géorgie s’est rapidement trouvée au centre de ses efforts pour contester les résultats du scrutin. C’est au secrétaire d’État de Géorgie, Brad Raffensperger, que Donald Trump a passé son désormais célèbre appel téléphonique, lui demandant de “trouver 11 780 voix”, tout en affirmant qu’il avait remporté l’État.
En août 2023, Donald Trump a été inculpé, avec 18 autres personnes, pour avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection dans en Géorgie. Huit chefs d’accusation pèsent encore contre l’ancien président, mais le dossier est suspendu jusqu’en décembre, en attendant une décision d’appel sur le rôle de la procureure Fani Willis dans l’affaire, accusée d’avoir entretenu une relation avec l’un des enquêteurs.
Depuis cet été, Donald Trump considère la Géorgie comme un État incontournable, un bastion qu’il pensait solidement acquis avant que Kamala Harris ne devienne sa rivale en juillet. Son entrée dans la course a déclenché un regain d’enthousiasme, mettant les deux candidats au coude à coude dans les sondages. La bataille y est féroce pour remporter les voix des Afro-Américains, qui représentent un tiers des électeurs de l’État.
Michigan
Autrefois considéré comme l’un des États du “mur bleu” (ce bloc d’une petite vingtaine d’États considérés comme acquis aux démocrates), le Michigan a créé la surprise en 2016 en élisant Donald Trump avec seulement 10 000 voix d’avance. Joe Biden l’a ensuite reconquis en 2020.
Dans cet État historique de l’industrie automobile, l’électorat ouvrier, fortement syndiqué (près de 13% du nombre de salariés de l’État), est un acteur politique incontournable. Si Kamala Harris a reçu le soutien important du grand syndicat du secteur (UAW), l’instabilité économique liée à l’inflation pourrait pousser de nombreux électeurs à se tourner vers son rival républicain.
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Le Michigan compte également la plus grande communauté arabo-américaine du pays, et a été un des foyers principaux de la contestation contre la guerre à Gaza et le soutien de Joe Biden à Israël. Lors de la primaire démocrate en février, plus de 100 000 électeurs ont ainsi choisi de voter “non engagé”, l’équivalent d’un vote blanc, pour exprimer leur désaccord et leur mécontentement face à la politique de la Maison Blanche au Moyen-Orient.
Face à cette contestation grandissante, les candidats ont rapidement compris l’importance stratégique de ce Swing State. Donald Trump y a notamment tenu son premier rassemblement après la tentative d’assassinat dont il a été victime en juillet, tandis que Kamala Harris a organisé un meeting en août pour tenter de regagner la confiance des électeurs.
Nevada
Plus petit des Swing States en termes de population, cet État de l’Ouest n’a pas voté républicain depuis George Bush en 2004.
Comme dans tout le pays, l’économie est au cœur des préoccupations de nombreux électeurs du Nevada, où le taux de chômage est l’un des plus élevés du pays, avec 5,5 % en août 2024 et même 6,7 % à Las Vegas.
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Alors que les républicains sont souvent plébiscités sur l’économie, Kamala Harris a réussi à réduire cet écart, certains sondages indiquant même que les électeurs lui font davantage confiance sur les questions économiques.
Le Nevada est aussi l’un des États américains les plus diversifiés, ce qui pourrait être de bon augure pour les démocrates. Quelque 40 % de l’électorat est composé de Latinos, de Noirs ou d’Américains d’origine asiatique, autant de groupes qui soutiennent plus Kamala Harris que Donald Trump.
Pennsylvanie
La Pennsylvanie, avec ses 19 grands électeurs, est probablement l’État le plus convoité de l’élection. Bastion démocrate entre 1992 et 2016, l’État a alors basculé en faveur de Donald Trump, dont le discours populiste a résonné auprès des électeurs.
Alors que Joe Biden avait un certain avantage du terrain – il a grandi à Scranton et sa femme est également originaire de Pennsylvanie – il n’a remporté l’État en 2020 qu’avec une avance de 81 000 voix, sur un total de quelque 6,9 millions de suffrages exprimés.
Cependant, Kamala Harris pourrait tirer parti d’une forte différence de soutien entre les hommes et les femmes dans cet État, où elle devance Donald Trump de près de 20 % auprès des électrices. Les grandes métropoles de Philadelphie et Pittsburgh soutiennent majoritairement la vice-présidente, tandis que Donald Trump mise sur le vote des électeurs ruraux.
Le droit à l’avortement, un sujet qui favorise généralement les démocrates, occupe une place importante dans l’esprit des électeurs de Pennsylvanie, arrivant juste après l’économie et l’immigration dans leurs préoccupations.
Wisconsin
Aux côtés de la Pennsylvanie et du Michigan, cet État a également contribué à briser le “mur bleu” en 2016. Après avoir rompu avec la tradition en votant pour Donald Trump, l’État a de nouveau basculé en faveur de Joe Biden en 2020, mais de très peu.
Depuis, le Parti républicain a fait de cet État une priorité de sa campagne. La convention nationale républicaine s’est tenue à Milwaukee, et Donald Trump lui-même a déclaré : “Si nous remportons le Wisconsin, nous gagnons tout.”
Pour une fois, Kamala Harris semble être d’accord avec l’ancien président. “Le chemin vers la Maison Blanche passe par le Wisconsin”, a-t-elle déclaré lors du lancement de sa campagne officielle en juillet à Milwaukee.
Cet article a été adapté de l’anglais par Barbara Gabel. L’original est à retrouver ici.
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