C’est grâce au théâtre, découvert alors qu’il purgeait une peine de prison, qu’il s’est senti renaître: Redwane Rajel, qui présente son premier seul en scène au festival off d’Avignon, est devenu comédien professionnel et défenseur de la justice restaurative.
Dans la petite salle du théâtre Transversal, l’acteur apparaît, sur un banc rouge, devant un double miroir, veste bleue boutonnée sur une carrure imposante, yeux expressifs, mâchoire carrée, cheveux ras, tatouages aux avant-bras.
Il n’est pas là pour “tomber dans le misérabilisme”, dira-t-il à l’AFP après la représentation. Non. Dans “A l’ombre des réverbères” (jusqu’au 21 juillet), il conte son histoire.
Celle, d’abord, de son arrivée, en 2013, derrière les barreaux: “la solitude qui rend fou”, la violence, la drogue, l’absence des enfants, le quartier d’isolement – où il restera deux ans. Du procès lui-même, aux assises, il dit peu.
Peu après un transfèrement au centre pénitentiaire du Pontet, près d’Avignon, en 2017, il est invité à participer à un atelier de théâtre, dans le cadre d’expérimentations sur la justice restaurative. Les séances sont animées par Olivier Py, alors directeur du festival d’Avignon, et son collaborateur Enzo Verdet.
“Les mardi et jeudi, jours de répétition, je partais en voyage de moi-même. Un jour, j’étais en Grèce antique, un jour, j’étais en Perse, le lendemain, en Ecosse !”, se souvient l’acteur auprès de l’AFP.
Bien ancrée dans sa mémoire, aussi, cette première sortie autorisée à Paris, pour jouer au Théâtre de la Villette, l’émotion ressentie avec ce “pas à faire entre l’ombre et la lumière”. “Ce soir-là, je suis né sur les scènes parisiennes”, s’exclame-t-il dans son spectacle, parlant d’un “nouveau-né” qui “a crié pour la première fois”.
Le voilà ensuite qui joue au prestigieux festival, dans les pièces d’Olivier Py. Il y aura “Les Perses” en 2018, “Antigone” et “Macbeth” l’année suivante, “Hamlet à l’impératif” en 2020.
– “Sens de la peine” –
Avignon, justement, c’est là qu’a grandi Redwane Rajel, “pas dans la cité des papes”, confie-t-il, mais dans “la cité tout court”, auprès d’une mère et d’une “tatie” qu’il a adorées. Touche-à-tout, il a eu mille métiers: militaire à la Légion, brancardier, boxeur professionnel, commercial dans l’automobile, entraîneur de rugby…
A sa sortie de prison, l’homme rencontre le metteur en scène et dramaturge Joël Pommerat, dont les pièces ont voyagé à travers le monde et font souvent salle comble. Lui aussi mène de nombreux projets en milieu carcéral.
L’ex-détenu intègre sa troupe, la Compagnie Louis Brouillard, en 2021. “Joël Pommerat m’a permis de faire du théâtre mon métier”, dit-il, reconnaissant. On le verra à la saison prochaine à Paris et en tournée, à l’affiche de deux pièces, “Amours (2)” et “Marius”.
A presque 49 ans, “je suis un jeune vieux comédien”, aime à dire celui qui anime depuis l’an dernier un atelier de stand-up à l'”Après M”, fast-food solidaire marseillais.
“Il a une énorme envie de travail”, souligne Enzo Verdet, qui est également coauteur et metteur en scène d'”A l’ombre du réverbère”. “Il se plonge, il y va à fond. Il est aussi grande force de proposition.”
De nouveau père, d’une petite fille de 20 mois, Redwane Rajel a hâte de lui “transmettre” l’art, la musique, la culture: “Tout ce que je n’ai pas eu” petit.
Il est aussi très impliqué dans les questions de réparation, de réinsertion et de justice restaurative, animant des ateliers. “On doit revoir le sens de la peine, parce qu’on n’aide pas à rendre les détenus meilleurs”, dit-il.
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