En plein procès des viols de Mazan, la presse a fait état de nouvelles révélations sur l’affaire de soumission chimique dont a été victime la députée Sandrine Josso en novembre 2023. Celle dont la mission parlementaire sur le sujet a été suspendue après la dissolution de l’Assemblée espère que ces deux affaires mettront en lumière ce phénomène qui passe encore sous les radars.
Ce sont deux affaires qui entrent en résonance. Toutes deux abordent la question de la soumission chimique, le fait de droguer une personne à son insu pour abuser d’elle. Alors que le procès des viols de Mazan bat son plein au tribunal d’Avignon, une partie de l’interrogatoire du sénateur Joël Guerriau devant une juge d’instruction du tribunal de Paris a fuité dans la presse mercredi 25 septembre. L’élu centriste de Loire-Atlantique est mis en examen depuis le 17 novembre 2023, soupçonné d’avoir drogué à son domicile la députée MoDem Sandrine Josso pour abuser d’elle lors d’une soirée célébrant sa réélection.
L’expertise téléphonique du mis en cause est pour le moins troublante. Elle révèle en effet qu’un mois avant les faits, Joël Guerriau avait effectué une vingtaine de recherches sur Google dont “drogue et viol”, “effets de l’ecstasy GHB0022” ou encore “GHB effets lendemain” – le GHB étant une drogue de synthèse aux propriétés sédatives et amnésiantes, surnommée la “drogue du violeur”. Des éléments qui viennent fragiliser la défense du sénateur qui assurait jusqu’alors que l’ecstasy lui était destinée, et qu’il s’était trompé de verre. “Ces déclarations ont choqué ma cliente, parce que cela vient confirmer le sentiment qu’elle a eu le soir des faits sur l’extrême nécessité de s’échapper du domicile de M. Guerriau”, réagit l’avocat de Sandrine Josso, Me Arnaud Godefroy.
Reçu mercredi par le président du Sénat Gérard Larcher, qui lui demande de démissionner, Joël Guerriau, qui clame son innocence, a simplement annoncé qu’il ne siégerait plus au Sénat “jusqu’à nouvel ordre”. Ses avocats ont par ailleurs fait savoir qu’il réservait ses explications à la justice, l’instruction n’étant pas terminée.
Un phénomène qui passe sous les radars
L’affaire Sandrine Josso a secoué le Parlement et mis en lumière le recours à la soumission chimique jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Méconnu du grand public, c’est pourtant un phénomène qui prend de l’ampleur. En 2022, plus de 2 000 plaintes ont été déposées à ce sujet, soit une hausse de 69 % par rapport à l’année précédente, mais l’on estime que seules 10 % des victimes portent plainte. “On n’a pas de plateforme de recensement et les personnes ne portent pas plainte, faute de preuve. Et puis, il est difficile de porter plainte quand on ne se rappelle de rien”, explique Sandrine Josso.
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Il y a quelques semaines, son affaire est venue percuter celle de Gisèle Pelicot, qui a été droguée par son mari et livrée à des viols par des dizaines d’inconnus pendant dix ans, sans s’en rendre compte. “Je parle publiquement pour que plus aucune femme n’ait à subir la soumission chimique”, avait déclaré la septuagénaire début septembre en ouverture de son procès devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon.
La première est une femme politique médiatique, la seconde une retraitée anonyme, preuve que toutes les couches de la société sont touchées. En revanche, les femmes représentent l’immense majorité des victimes, “neuf sur dix” selon l’association M’endors pas qui alerte sur le sujet. Sa fondatrice, Caroline Darian, n’est autre que la fille de Gisèle Pelicot.
Créer un “parcours fléché” pour les victimes
Actuellement porte-parole de l’association, Sandrine Josso milite pour une meilleure prise en charge des victimes. Si la députée a bénéficié d’une prise de sang et d’une analyse d’urine dans la foulée de son dépôt de plainte, c’est rarement le cas des autres victimes. “Ce qui est souvent difficile, c’est de rapporter la preuve de la soumission chimique, donc de la drogue dans le sang. Quand on s’éloigne du fait générateur, on s’éloigne de la capacité de retrouver les traces de drogue, et donc de prouver la matérialité de l’infraction. On est obligé de se baser sur une analyse des cheveux, qui ne permet pas de donner une date certaine des faits”, explique son avocat, Arnaud Godefroy.
“J’aimerais créer un parcours fléché pour les victimes, avec un kit du lendemain à se procurer en pharmacie, contenant un flacon pour recueillir les urines, un numéro de téléphone, par exemple d’une infirmière, pour faire rapidement une prise de sang, et des contacts d’avocats”, ajoute Sandrine Josso.
En avril dernier, la députée de la 7e circonscription de Loire-Atlantique avait été chargée par le gouvernement d’une mission parlementaire sur la soumission chimique avec la sénatrice Véronique Guillotin. Mission avortée en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron en juin dernier. “On a écrit au Premier ministre et à Emmanuel Macron pour demander à reprendre ce travail”, assure Sandrine Josso. En attendant, la députée suit avec attention le procès des viols de Mazan : “Je suis vigilante sur comment la société perçoit toutes les agressions [verbales] faites à Gisèle Pelicot dans la salle d’audience. Quand on est victime, on espère qu’un procès répare, mais cela peut aussi devenir un traumatisme. Il y aura certainement des axes de progrès à envisager quand on voit à quel point Gisèle Pelicot est maltraitée.”
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